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Au sein de votre entreprise, vous êtes sur le point lancer une consultation pour la refonte de votre plateforme de vente en ligne, de votre PIM ou de votre CRM. Votre entreprise a le vent en poupe, vous êtes leader dans votre secteur et, à coup sûr, votre projet intéressera les meilleures agences ! Mais quand bien même votre projet leur plairait, ne soyez pas si sûr qu’elles acceptent de le traiter sans un minimum de visibilité !
Certes, les prestataires e-commerce cherchent toujours à faire des projets plus intéressants et plus motivants pour des entreprises de renom ou sur des sujets passionnants et des concepts innovants… Mais pour les convaincre de vous choisir et de vous proposer la solution la plus optimisée et à forte valeur ajoutée, encore faut-il envoyer les bons signaux... Parce que oui, ça ne va pas que dans un sens, vous avez aussi un rôle à jouer dans la sélection de votre projet… par le prestataire ! Cela peut paraître très prétentieux mais c’est un état de fait qui s’explique assez facilement.
Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises lancent encore des consultations en abordant le rapport prestataire/client comme un véritable rapport de force, parfois même un bras de fer. Une relation dans laquelle chacun cherche à convaincre l’autre sans pour autant se dévoiler ! Et trop souvent, dans ce cas, la rétention d’information est le mot d’ordre… Ce qui, malgré tout ce que vous pouvez penser, peut principalement vous nuire à vous, le client.
S’il est certain que vous n’avez pas à dévoiler toute votre stratégie de consultation aux prestataires répondant, il faut néanmoins considérer le marché sur lequel nous intervenons, ainsi que les critères que les deux parties vont appliquer pour se juger mutuellement. Et surtout, il est essentiel d’avoir conscience que la relation doit être équilibrée et que le prestataire peut légitimement vous dire non !
S’il est bon, votre prestataire n’attend pas votre consultation pour développer son activité
Sur le marché de l’e-commerce, les projets sont… légions ! En 2019, il y avait 180 000 sites marchands en France (source Fevad). La barre des 200 000 est certainement en passe d’être franchie. Le cycle de renouvellement des plateformes e-commerce (ou des évolutions majeures) ne dépasse pas 5 à 6 ans en moyenne, quand les refontes ou évolutions majeures s’effectuent tous les 2 ans. Cela donne une idée du nombre de projets e-commerce lancés chaque année, rien qu’en France ! Un prestataire e-commerce compétent reçoit des consultations presque quotidiennement. Avec ses équipes, il va donc mettre en place un process de Go/NoGo pour définir s’il met ses ressources humaines, techniques, commerciales etc. à contribution pour traiter la demande.
Pour vous qui portez le projet, il s’agit donc d’être le plus factuel possible pour apporter un maximum d’informations contextuelles permettant de juger de l’adéquation de votre projet avec l’expertise du prestataire. Il est donc nécessaire de travailler en amont sur le contexte de votre projet et ses objectifs qu’ils soient métiers, business ou même stratégiques.
Et vous n’aurez pas le choix… La plupart du temps, cela vous obligera à livrer un minimum d’informations confidentielles sur votre organisation. Et pour cela, il est préférable non seulement de signer une clause de confidentialité avec chaque répondant, mais également de bien évaluer la réputation et la fiabilité des prestataires que vous sollicitez.
Livrez vous !
Ceci étant dit, viens alors le moment d’évaluer le degré d’informations que vous devez transmettre aux prestataires. Soyons clairs : il n’y a rien de pire dans une consultation e-commerce qu’un client qui présente son entreprise en 5 minutes et qui, ensuite, croise les bras en attendant que le prestataire lui livre sa vision géniale et unique du projet. Sans échange de fond sur l’approche à adopter sur le projet et sur les contraintes associées, sans aucune discussion contradictoire, sans historique sur le vécu de vos équipes sur d’éventuels projets précédents, difficile pour le partenaire de vous répondre correctement.
Alors, s’il vous plaît, ne faites pas cette erreur et livrez-vous ! Non pas en dévoilant les budgets que vous êtes prêts à engager (même si dans l’absolu, cela n’a généralement que peu d’incidence et peut être utile pour cibler la bonne solution) ou toute autre information qui “mâcherait” le travail d’un commercial peu scrupuleux. Optez plutôt pour un échange loyal, franc et constructif avec votre interlocuteur.
Mais pourquoi entamer ces échanges de fonds et prendre le risque de vous livrer ? D’une part, parce que pour avoir une réponse concrète, il faut poser une problématique concrète ! D’autre part, parce que le prestataire en face de vous, s’il a un tant soit peu de sens professionnel, va chercher à savoir si votre équipe est, ce que j’appellerai “philosophiquement”, proche de la sienne.
Il va se poser la question de savoir comment le projet est susceptible de se passer demain, entre vous et lui : lui fournirez-vous facilement les réponses à ses questions ou, à l’inverse, aura-t-il systématiquement des retours sous forme de “c’est votre problème c’est vous le spécialiste” ? Aurez-vous ensemble des échanges enrichissants, parfois avec des visions opposées, mais toujours à la recherche de la meilleure option ? Ou est-ce que la méfiance sera à jamais ancrée dans votre relation ? Et concrètement, cette relation risque-t-elle d’être une galère qui va durer durant tout le projet ? Pour anticiper toutes ces problématiques, il doit vous connaître et on ne se découvre que par l’échange.
Il y a finalement peu de risque à donner de l’information au prestataire ! D’autant plus vous serez toujours protégé par le fait de piloter un projet dans un contexte concurrentiel, où vous aurez pris la peine de consulter un panel étudié de répondants potentiels qui font référence dans le secteur.
Acceptez un planning réaliste !
Vous avez un projet e-commerce ultra stratégique à l’international : il s’agit de refondre une plateforme de vente en ligne qui génère 40M€ de CA ! Vous avez pris la peine de mener une mission de conseil stratégique en amont (qui a bien duré 2 mois) et vous vous êtes fait accompagner par un consultant spécialisé car ce projet NE peut PAS échouer ! Pourtant, cela a pris du temps et les soldes d’été arrivent... Il ne vous reste plus que 3 mois pour refondre votre plateforme, recette comprise !
Malgré tout, vous lancez votre consultation sans modifier l’objectif et serrez les boulons du planning : 10 jours de Q/R, 10 jours de plus pour répondre, soutenance avant la fin du mois et démarrage dans la foulée. De toute manière, votre marque est connue internationalement, les prestataires verront l’intérêt de travailler avec vous et se mobiliseront, augmenteront les ressources pour produire plus vite...
C’est là qu’il faut être capable d’entendre l’inentendable : vous devez modifier vos attentes ou revoir votre planning projet. Les faits s’imposent à tous ! Un projet nécessitant 6 mois de développement ne se fait pas en 2 mois, même par une ESN internationale qui dispose de 100 000 collaborateurs. Car un projet se fait avec une équipe cible. Doubler sa taille ne divise pas par 2 le temps de développement, par contre cela augmente les risques en phase de recette…
Si votre planning est intenable, un bon prestataire vous le dira. Un mauvais vous le cachera et supposera que les faits s'imposent à vous au fil des semaines. Ces retours et ces contraintes, seuls les meilleurs prestataires se risqueront à les évoquer car ils peuvent se le permettre et ont suffisamment de demandes pour ne pas prendre de risques inconsidérés sur un projet, quelle qu’en soit sa valeur.
Ceux qui balayeront d’un revers de manche la réalité du planning seront certainement ceux qui auront le plus besoin de combler les trous. Alors posez-vous les bonnes questions ! Un prestataire qui ne vous répond pas ce que vous voulez entendre prend suffisamment de risques pour que vous attachiez un minimum d’intérêt à son analyse.
Ne croyez pas aux chimères
Ce raisonnement est valable sur le planning mais aussi dans une certaine mesure sur le budget, et sur le périmètre d’intervention : un prestataire qui est compétent sur absolument tous les domaines n’existe pas, qu’il ait 10 ou 1000 collaborateurs.
Le mot d’ordre est donc pragmatisme. Et ce pragmatisme est d’autant plus efficace que vous entamez des discussions sérieuses avec les prestataires que vous consultez.
Plus vous approfondirez les échanges avec les prestataires, plus vous serez capable de mettre en évidence ce qui relève plus d’une posture commerciale que d’une véritable expertise.
Acceptez la critique constructive
Il est toujours compliqué de critiquer un projet et la vision d’un client ! Mais un prestataire qui vous contredit prend des risques, comme notamment celui qui vous alertera s’il vous voit vous orienter dans la mauvaise direction, contrairement à ceux qui diront oui à tout. Car c’est toujours plus simple de se voir dresser un portrait idyllique d’un projet qu’on va ensuite devoir aller défendre devant la direction.
S’il prend ces risques, c’est, soyons clair, dans son propre intérêt et bien souvent, parce qu’il va préférer vous contredire maintenant pour désamorcer un risque projet qu’il entrevoit dans le futur. Le risque projet est l’ennemi du prestataire.
Bien souvent, ce risque est d’autant plus grand que les équipes en charge de l’étude de votre projet ne sont pas les mêmes que celles qui le réaliseront. Pour gommer cette problématique : l’équipe qui analyse et cadre avec vous votre projet, votre besoin, vos plannings, et vos contraintes doit être l’équipe qui demain assurera ces paramètres et réalisera le projet. Chacun doit être responsable de ses engagements !
Au final, écoutez le prestataire qui vous challenge et challengez à votre tour sa vision ! C’est le meilleur moyen de mettre en place un projet dans un environnement sain et sécurisé. La critique, si elle est constructive, peut être votre meilleure alliée.
Alignez les équipes pour proposer une vision unique du projet
Votre nouvel ERP qui doit communiquer avec votre plateforme e-commerce ne sera en production que dans 6 mois, mais vous voulez maintenant obtenir un chiffrage précis sans pouvoir mener la moindre spécification ?
Vous privilégiez une méthodologie projet Agile mais souhaitez un engagement forfaitaire avec un périmètre figé ?
Ces problématiques vous font sourire et vous êtes persuadé que VOUS, vous ne demanderez jamais tout et son contraire à un prestataire ?
Pourtant, les contradictions sont encore très présentes dans les projets digitaux ! Tout simplement car les attentes des différents acteurs de l’entreprise et leur approche du digital sont parfois opposées. Les équipes marketing et les équipes IT par exemple, ont parfois des visions bien différentes d’un même sujet au sein de l’entreprise et cela émerge tôt ou tard dans les échanges autour d’une consultation e-commerce.
Soyez-en donc conscients, et essayez au maximum d’aligner les visions de toutes vos équipes pour éviter des incohérences inutiles qui feraient perdre du temps à tout le monde.
Ayez une expression de besoins solide, tout en sachant qu’elle évoluera
Votre cahier des charges fait 189 pages. Très bien, car il est certainement nécessaire de détailler au maximum votre besoin. Mais pensez à utiliser la règle MoSCoW (Must Have, Should Have, Could Have, Won't Have this time) pour prioriser vos attentes et, dans ce contexte, soyez prêt à recevoir des réponses partielles ou loties.
Partez aussi du principe que plus vous préciserez vos besoins, plus les réponses que vous recevrez seront précises, travaillées et donc forcément plus chères qu’une approche globale du besoin. Soyez prêts, dans ce cas, à revoir certains besoins pour simplifier le projet si l’ensemble n’est pas en phase avec vos attentes budgétaires ou en termes de planning.
Ne partez pas non plus du principe qu’un cahier des charges vous affranchit d’une phase de spécifications. Il y a toujours dans un projet (et cela est d’autant plus vrai quand le projet est d’envergure..) une étape de coordination entre vos équipes et l’équipe qui va construire votre plateforme. VOUS avez peut-être déjà réfléchi à toutes les caractéristiques de votre projet, mais pas votre prestataire et son intervention vous conduira très certainement à vous poser de nouvelles questions… N’y soyez pas fermé !
Faites-vous accompagner...
Sauf à avoir une équipe projet ultra aguerrie aux projets digitaux, un projet e-commerce d’envergure demande certainement une phase d’accompagnement externe. Il peut démarrer à la genèse du projet pour coordonner la réflexion de façon indépendante des différents services de votre entreprise. Il s’agit à ce moment là d’une mission de conseil amont. Cette mission se mène aussi souvent en première étape projet suite au lancement de votre consultation et à la remise de votre expression de besoins initiale qui aura été réalisée en autonomie ou avec un conseil pour la rédaction du brief.
Il faut alors accepter que la mission de conseil soit destinée à apporter des éléments de réponse inconnus à date et donc, ne pas vouloir immédiatement avoir toutes les clés du projet, notamment en matière de budget et planning.
Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une mission menée par un conseil externe qui ne prendra pas part à la mise en œuvre du projet ou qu’il s’agisse du plan conseil de l’offre de service des prestataires consultés, la mission de conseil est aujourd’hui devenue une étape quasi-indispensable en amont de la phase de réalisation d’un projet…
Restez disponible
Dernier point, qui a son importance : si vous vous faites accompagner par un conseiller pour mener votre consultation auprès d’un panel de prestataires afin qu’il vous aide à décortiquer les offres, mesurer leur qualité et leur intérêt etc., restez disponible pour échanger avec les prestataires interrogés. Toujours !
Rien n’est plus désagréable que de devoir fournir un degré d’information très fin sans jamais avoir la possibilité d’échanger avec le client final. Chez la plupart des prestataires e-commerce dignes de ce nom, c’est un des premiers critères de NoGo. Échanger avec le client final est indispensable pour appréhender un projet correctement.
Au final, réaliser un projet e-commerce, c’est engager une relation étroite entre un client et un prestataire sur une longue durée car, au-delà du projet, il y aura certainement une phase d’exploitation et de tierce maintenance qui prolongeront la collaboration. La durée de vie moyenne d’un projet est de plusieurs années… Cette relation est donc longue et doit être construite ensemble sur des bases solides. Il faut privilégier la transparence et l’honnêteté, quitte à avoir du mal à se comprendre au début pour justement mieux se connaître et établir un contexte relationnel clair et favorable au développement d’un projet sans mauvaise surprise.
Rien de bien révolutionnaire en fait, juste une bonne dose de pragmatisme !